Souvenirs de la cour d'assises (André GIDE)
Gentes Dames, gents Sieurs,
Bien le bonsoir!
Aujourd'hui, quelques extraits des « Souvenirs de la cour d'assises », d'André GIDE (1869-1951).
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À quel point il appartient au président de gêner ou de faciliter une déposition (fût-ce inconsciemment), c'est ce que je sens de nouveau, non sans angoisse, et combien il est malaisé pour le juré de se faire une opinion propre, de ne pas épouser celle du président.
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L'accusé qui parle le plus vite possible, par grande peur que le président ne lui coupe la parole (ce qu'il fait du reste constamment) et qui cesse d'être clair - et qui le sent... le malheureux qui défend sa vie.
L'innocent sera-t-il plus éloquent, moins troublé que le coupable?
Allons donc!
Dès qu'il sent qu'on ne le croit pas, il pourra se troubler d'autant plus qu'il est moins coupable.
Il outrera ses affirmations; ses protestations paraîtront de plus en plus déplaisantes; il perdra pied.
Le côté chien du commissaire de police, dans ses dépositions; son ton rogue. Et l'air gibier que prend aussitôt le prévenu.
L'art de lui donner l'air d'être coupable.
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La version la plus simple est celle qui toujours a le plus de chance de prévaloir; c'est aussi celle qui a le moins de chance d'être exacte.
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Combien il est rare qu'une affaire se présente par la tête et simplement.
Combien il arrive que soit artificielle la simplification dans la représentation des faits du réquisitoire.
Combien il arrive facilement que l'accusé s'enferre sur une déclaration par à-côté, dont la gravité d'abord lui échappe.
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Gentes Dames, gents Sieurs,
Vous remerciant de votre confiance, je vous donne rendez-vous très bientôt.