Et si on aimait la France (Bernard MARIS)
Gentes Dames, gents Sieurs,
Bien le bonsoir!
En ce premier janvier 2016, voici, en vrac, des citations du livre « Et si on aimait la France », de feu le grand Bernard MARIS, l'Oncle [...] tant regretté.
paru aux Éditions GRASSET
[...]
Que sera la France dans deux mille ans?
Eût-on demandé à Alexandre franchissant l'Hydaspe, dans le Pakistan moderne:
« Que sera ta Grèce dans deux mille ans?»,
il eût répondu:
« Le monde. »
À tort?
La Grèce nous lègue la philosophie, les sciences, la médecine, la démocratie.
Homère et Eschyle en prime.
Pas mal.
C'est un petit pays, méprisé par d'autres au nom de l'argent (par l'Allemagne, par exemple).
Et pourtant...
Nous avons tant de dettes vis-à-vis de la Grèce endettée...
[...]
La gauche est victime de l'Internationale, la droite de la mondialisation.
La gauche paie l'engagement pour les peuples opprimés et les droits de l'homme, le Zambèze avant la Corrèze,
et la droite le CAC 40 qui fait 80% de ses profits hors du sol national et encense les délocalisations heureuses qui créent des emplois et de la richesse.
[...]
[...]
Le salaud au sens de Sartre [celui qui fait une mauvaise action et qui le sait] qui construit dans la Somme la « ferme aux mille vaches »;
les salauds qui la conchient de bretelles,
de ronds-points,
de promotions immobilières,
de supermarchés,
de zones industrielles,
d'immensités pavillonnaires parsemées de rues aux noms d'arbres, filles de tristesse d'architectes couverts par leurs maquereaux de promoteurs qui la bétonnent et la goudronnent;
les veules édiles qui laissent quelques rues occupées par des idiots en prière, à qui j'envoie les Dupont-Dupond de Tintin au pays de l'or noir pour leur botter le cul;
ceux qui lui arrachent ses vêtements, l'éducation, la connaissance, la langue, la république, la sociale, le peuple dans la ville, l'égalité, la laïcité, l'intelligence, le rire...
Malgré tout, ils ne parviennent pas à masquer de leur burqa couleur d'argent cette « madone », selon de Gaulle, cette « femme » pour Michelet.
Disons que j'ai envie de démasquer les prétendants et de dire à ma Pénélope:
« Attention, poupée, regarde ceux qui sont autour de toi et ce qu'ils veulent faire... »
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Tout bon Français s'est enivré à la littérature.
Tocqueville dit que la noblesse française préféra se tourner vers les lettres que vers le commerce, contrairement à sa voisine anglaise.
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La démographie fut ma passion.
J'ai eu la chance de faire longtemps un cours de démographie, puis de succéder au grand Alfred Sauvy pour une revue de livres dans les pages du quotidien Le Monde.
Sauvy, l'INED, Ariès.
Celui-ci ne fut découvert en France qu'après avoir été reconnu aux États-Unis (si l'on doit reconnaître une qualité aux États-Unis, c'est bien de donner leur chance aux découvreurs; ce n'est pas le cas de l'Université française).
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Habitant le centre du monde, dans ce cadeau des dieux entre le monde de la Méditerranée et celui des Barbares, comment les Français n'auraient-ils pas été condamnés à l'exceptionnel et à l'universel?
Quelle autre dimension que celle de l'Univers pour accueillir leurs idées, leur rayonnement, et tout simplement leur génie?
Chartres, Versailles, la Révolution, la République et les droits de l'homme ne se sont-ils pas inscrits il y a dix mille ans dans ce pays tempéré, équilibré, divers et serein?
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Comment ne pas repartir chez soi, dans la Douce France?
Géographiquement, la France est un terminal.
On s'y arrête et on s'y installe.
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Le modèle républicain, fondé sur la négation du multiculturalisme et du communautarisme, permettrait pourtant d'éviter les dérives raciales, ségrégationnistes, à l'œuvre dans les pays anglo-saxons, aux États-Unis en particulier.
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Quand j'étais à l'école primaire, ce « On est en république! » était, je me souviens, crié à tort et à travers.
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« On est en république! »
Ce cri plein de gaieté exprimait la fierté d'une génération dont les parents avaient été privés de liberté et avaient parfois payé de leur vie leur désir de liberté.
« On est en république! »
exprimait aussi l'égalité de tous.
Tous nous étions patriotes, mais la République était indissociable de la France.
Tocqueville, qui ne se laisse pas facilement éblouir, reconnaît que le peuple français sut réaliser la fusion de la liberté et de l'égalité au moment de la Grande Révolution.
[...]
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En même temps, l'incapacité des partis d'extrême gauche à capter l'électorat ouvrier ne manque pas de frapper les commentateurs politiques:
pourquoi, après trente ans de chômage de masse, la question sociale n'est-elle plus le moteur du vote ouvrier et populaire?
Est-ce à dire que la question « culturelle » l'a remplacée?
Est-ce à dire que le chômage de masse fait désormais partie du paysage des « inclus », des favorisés tournés vers la mondialisation et le multiculturalisme?
Les couches populaires observent les élites fêter la fin de la question sociale et la fin de la nation dissoute dans l'Europe et le monde, comme le peuple autrefois regardait avec un peu d'envie les nobles fêter le manque de pain en consommant de la brioche.
Et puis de nombreux électeurs du Front national sont simplement des personnes âgées, nostalgiques et timorées, fantasmant l'insécurité via les écrans, la menace musulmane via les affreuses décapitations en Syrie ou en Irak, ou encore l'enrôlement de gentils Français dans les milices islamistes.
[...]
Gentes Dames, gents Sieurs,
Rendons-lui hommage.
Vive la France... éternelle!!!